La protection des busards

L’histoire que vous allez découvrir, c’est celle d’un petit groupe de passionnés. De professionnels et bénévoles qui sillonnent sans relâche la campagne pour protéger trois espèces emblématiques de notre région. J’ai suivi Christian, Brigitte et Florent durant une belle journée d’été et voici ce que j’ai découvert.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, le Groupe ornithologique et naturaliste – agrément Hauts-de-France (GON) coordonne depuis plusieurs décennies les actions de suivi et de protection des populations de busards. Les bénévoles et salariés de l’association suivent l’évolution des couples et de leurs nichées pour assurer leur protection sur le territoire des deux départements.

Les trois espèces nicheuses régulières du Nord - Pas-de-Calais

En grimpant dans la voiture, direction la Cambrésis Florent m’explique que dans notre région, les busards ne sont pas représentés par une mais trois espèces distinctes. Espèces qui ont leurs propres caractéristiques et vulnérabilités. Je vous ai résumé l’exposé de Florent en 3 cartes :

Les observateurs doivent prêter attention à une 4ème espèce, le Busard pâle, dont les observations, encore exceptionnelles, sont en augmentation. Une 1ère reproduction a eu lieu en 2020 et il peut composer un couple mixte avec le Busard cendré et le St Martin.

Pourquoi protéger leurs nids ?

L’enjeu est assez simple à comprendre. Les nids sont souvent au sol dans les champs de céréales. Il est très difficile de les repérer, même à quelques mètres. Et quand la moissonneuse batteuse passe, les jeunes qui ne se sont pas encore capables de voler n’ont aucune chance de survie.

Une saison de nidification et de protection

Il s’en faut parfois de peu pour que les jeunes soient capables de s’envoler avant le passage de la moissonneuse. Mais nous avons déjà sauté quelques étapes. La saison de nidification et de protection commence bien avant. Plutôt qu’une longue description, je vous ai dessiné une petite frise chronologique de cette saison :

La recherche d'indices de présence d'un nid

Je n’ai pas vu le temps passer et nous arrivons à destination, un champ parmi tant d’autres dans le Cambrésis.

Les nids ont préalablement été localisés. Je me demande quelles techniques sont employées pour repérer ces aiguilles dans ces innombrables bottes de foins. C’est Christian qui m’explique les différents indices que l’équipe cherche en début de saison :

Une fois le nid localisé grâce à ces indices, reste à savoir si les jeunes s’envoleront avant la moisson ou non et donc s’ils ont besoin ou non de notre aide.

Nous devons inspecter l’intérieur du nid pour évaluer l’avancée de la nichée. Mais comment observer l’intérieur du nid sans déranger ?

Le contrôle des nids

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Les premières années de protection, pour évaluer le stade de développement des jeunes et donc savoir s’ils pourraient voler à temps pour les moissons, l’équipe de Christian se rendait à pied au nid après avoir pratiqué des affûts pour le localiser.

Au-delà du dérangement causé, il est difficile et chronophage d’évoluer dans un champ de céréale. Cette sortie a été ma première expérience et j’en garde un souvenir piquant et courbaturé.

Depuis quelques années, le GON utilise un drone pour localiser et filmer le nid. Il est donc possible d’évaluer le statut de développement des jeunes sans rentrer dans le champ.

Cliquez sur le drone pour visualiser une vidéo du drone en action.

Les avantages d’utiliser un drone sont multiples, puisqu’il n’y a pas besoin de se rendre sur le nid :

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La protection des nids

Nous arrivons à l’objet de ma sortie. Le problème est simple : Il y a deux poussins dans un nid, et la moisson ne va pas tarder ! Ils ne seront probablement pas capables de s’envoler avant. Nous devons agir !

Christian ouvre son coffre de voiture et nous commençons à rassembler le matériel. Des piquets, de la rubalise, des cartons vides. Je suis un peu étonné et leur demande ce que nous nous apprêtons à faire. Brigitte m’explique que l’objectif est de planter quatre piquets pour former un carré de 5 mètres de côté autour du nid et de le matérialiser avec de la rubalise.

Ainsi, l’agriculteur pourra facilement repérer le nid et laisser un carré de blé non-moissonné autour.

Le champ est une propriété privée et rien ne peut être fait sans l’accord de l’exploitant de la parcelle. Une collaboration avec lui doit être mise en place, et ce, le plus en amont possible. En général, l’équipe suit ces étapes :

Mais un carré de champ non moissonné pose d’autres problèmes. C’est une curiosité très visible. Des prédateurs curieux visitent parfois ces étranges carrés et mangent les jeunes retardataires. C’est pourquoi une cage en métal est parfois placée autour des poussins pour limiter les risques de prédation.

Après la moisson

J’avoue avoir eu envie de visualiser ce carré non moissonné. J’en parle à Florent et coup de chance, il a une photo dans son appareil. Vous la trouverez sur la droite. C’est un exemple typique d’une moisson qui a eu lieu. Le carré non-moissonné a été respecté par l’agriculteur, et la nidification pourra arriver à terme.

D’ici quelques jours ou semaines selon les cas, les jeunes busards seront complètement émancipés et pourront s’envoler, certains migreront rapidement jusqu’en Afrique sub-saharienne.

Le baguage et le marquage

Mais ma sortie ne s’est pas arrêtée en si bon chemin !

Dans certains cas, le GON participe à un programme de baguage et de marquage alaire des busards ; pour celles et ceux qui comme moi se sont posés la question alaire cela signifie “relatif à l’aile”. Les actions de protection sont aussi l’occasion de réaliser des actions de connaissance et de suivi ! Par exemple, cela a permis de savoir qu’un jeune Busard des roseaux marqué dans le Douaisis en juillet a été vu au Sénégal au mois de novembre suivant !

Une fois les piquets et la rubalise en place, Christian en profite pour prendre les poussins sous toutes les coutures et les baguer. J’ai eu la chance de filmer tout le processus.

Conclusion

Sur la route du retour, Florent s’arrête régulièrement et pointe avec énergie son doigt en direction du ciel pour me montrer d’autres spécimens. C’est cela aussi le suivi des busards. Scruter le plus méticuleusement possible le ciel.

Plus j’en découvre sur les busards et plus je me rends compte qu’au-delà du nombre impressionnant d’heures consacrées par l’association, leur suivi et leur protection est une question d’anticipation. De réactivité à ce calendrier qui suit le rythme chaotique de la nature et celui des busards.

Cela a été un réel plaisir de suivre notre équipe sur le terrain. J’espère que cet article vous aura fait découvrir le travail considérable qui est abattu chaque année par ces vrais passionnés.  Et qui sait, il vous aura peut-être donné envie de rejoindre l’équipe à la prochaine saison !

L’apprenti naturaliste

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